André Motte, en mémoire



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Hommage à André Motte

 

C’est avec beaucoup d’émotion que je prends la parole pour rendre l’hommage de la Faculté à André Motte, décédé ce 28 novembre 2021. Vous m’autoriserez, cher.e.s collègues, à évoquer l’homme tel que je l’ai connu, autant que la personnalité académique qu’il fut.

André Motte a débuté sa carrière dans notre Faculté en 1961, et il y a enseigné, de 1977 à 2001, l’histoire des religions et la philosophie morale. Philologue classique de formation, très tôt tourné vers l’étude de la pensée religieuse et de la philosophie antique, c’est au Département de Philosophie qu’il était rattaché. Comme l’a écrit très justement Bruno Rochette, qui connaissait si bien son travail : « partir des mots pour comprendre la réalité religieuse, voilà une des spécificités de la démarche d’André Motte ». Cette double affiliation (histoire des religions et philosophie) explique l’ampleur et la diversité de ses champs de recherches et de ses publications :

  • en philosophie : Platon, Aristote, Démocrite, Cicéron ;
  • en religion grecque : les notions de sacré, de syncrétisme, de prophétisme ; les mystères d’Éleusis ; la prière, les fêtes, les pèlerinages, etc.

Le titre de sa thèse de doctorat, publiée en 1973, trace le fil rouge de son parcours : Prairies et jardins de la Grèce antique. De la religion à la philosophie. Ce qu’André Motte découvre comme la matrice symbolique commune des religions et des philosophies grecques, c’est un riche symbolisme végétal (prairies, jardins) résolument féminin (et subtilement sexuel) – une matrice symbolique qu’il explorera toute sa vie.

Ce qui ressort du parcours d’André Motte, ce sont bien sûr des dizaines de publications de niveau international et plusieurs distinctions scientifiques, tant en Belgique qu’à l’étranger. Mais aussi et peut-être surtout, des projets collectifs majeurs dont il a été l’initiateur (car il affectionnait de travailler en équipe, sans toutefois jamais se comporter en « chef ») : le programme bibliographique Mentor (avec Vinciane Pirenne-Delforge et Paul Wathelet) ou encore, en 1987, la revue Kernos (devenue l’une des plus prestigieuses dans l’étude de la religion grecque antique), à nouveau en collaboration avec Vinciane Pirenne-Delforge. Il est d’ailleurs impossible de ne pas évoquer la complicité intellectuelle et personnelle indéfectible qui liait André Motte à notre collègue devenue Professeure au Collège de France. Avec Vinciane dans le domaine de l’histoire des religions, comme avec moi en philosophie (j’ai travaillé 7 ans sous sa direction), André Motte fut d’une générosité absolue, nous encourageant l’une et l’autre à explorer des domaines qui n’étaient pas les siens, nous laissant une totale latitude de recherches – et, dans mon cas, d’engagements citoyens pourtant différents des siens. Son ouverture d’esprit, sa bienveillance, sa bonté (le terme, le concernant, n’a rien de désuet) ont été constantes envers nous, comme envers plusieurs générations d’étudiantes et d’étudiants, de chercheuses et de chercheurs. André Motte ne chercha jamais à être un « maître », et moins encore à ce qu’on le qualifiât comme tel, mais c’est pourtant ce terme qui me vient à l’esprit pour exprimer les sentiments de reconnaissance et de gratitude que j’éprouve en ce moment.

André Motte avait également, au plus haut point, le sens de l’Institution. Il a été dans les années 1980 un membre très écouté du Conseil d’Administration de notre Université ; il fut Doyen de notre Faculté de 1990 à 1994. Mais surtout durant les décennies 1970-1990, il fut la véritable cheville-ouvrière du Département de Philosophie. Au milieu de collègues dont certains, à l’époque, étaient d’un tempérament difficile, parfois impossible, il faisait preuve d’une patience infinie et d’une parfaite civilité pour permettre à chacun, notamment aux plus jeunes, de s’épanouir. Seul le spectacle de l’injustice pouvait le mettre (mais alors réellement) en colère. Il faut aussi rappeler que si la « Commu » (qu’on appelait alors la « 7e Section ») a pu devenir un Département à part entière au sein de notre Faculté, avec une filière d’études complète, elle le doit pour une large part à André Motte.

Depuis son accession à l’honorariat en 2001, André Motte avait continué à collaborer à de multiples revues et projets éditoriaux. Il avait notamment publié une traduction de la Rhétorique d’Aristote dans l’édition de la Pléiade. Mais surtout, il venait d’achever un ouvrage sur l’éthique de Démocrite, qui paraîtra dans les prochaines semaines. Ce sera hélas à titre posthume. Ce livre auquel il tenait tant est dédié à son épouse Reine et à ses cinq filles Anne, Marielle, Françoise, Isabelle et Catherine. C’est à elles, à ses petits-enfants et à son arrière-petite-fille, que vont en ce jour toutes nos pensées.

Édouard Delruelle

 

Bibliographie d'André Motte

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